[TÉMOIGNAGE]
Somna, un si grand courage


TÉMOIGNAGE

Somna, un si grand courage

Ville -
Secteur - France
Thématique - Accès aux droits

Somna est une des nombreuses personnes qu’Habitat-Cité suit au titre de l’accès à l’emploi et au logement. A l’occasion de la Journée Internationale des Roms, nous vous proposons son témoignage, extrait du livre « Le Soleil se lève-t-il à l’Ouest ? ». Un récit fort et émouvant qui parle de son combat épuisant pour son fils autiste, mais aussi de son amour pour l’Italie et son rêve de voir Paris du haut de la Tour Eiffel!


Je m’appelle Somna et j’ai 40 ans. J’ai deux enfants : une fille de 20 ans, Denisa, et un garçon de 14 ans, Petru. Je suis née et j’ai grandi à Sibiu, en Roumanie.


A l’époque de Ceausescu, celui qui n’avait pas un travail était arrêté. Mes parents ont été emprisonnés pendant trois mois, et moi, ils m’ont amenée à l’orphelinat. Je pense que mes parents m’avaient laissée à l’orphelinat car ils n’avaient pas de ressources. C’est ma tante qui m’a récupérée et qui m’a élevée.


A l’école, je suis allée jusqu’à la troisième classe du collège. Je n’ai pas continué mes études parce que je ne voulais pas être un poids pour ma tante et sa famille. Eux, ils travaillaient aux champs à l’époque. Et il a fallu que je les aide.


Originaire de Roumanie, Somna se bat pour trouver des solutions pour son fils, autiste. Mais les portes ne s’ouvrent pas facilement. (Photo Stéphane Etienne)


L’autisme du fils : une maladie qui épuise et qui isole Mon deuxième enfant, Petru, est autiste. Je ne savais pas ce que c’était l’autisme, je n’en avais jamais entendu parler. Ma situation est devenue très difficile avec la maladie de Petru. Je sentais que personne ne me comprenait. Et c’était dur. J’ai dû partir en Italie pour gagner un peu d’argent.

Vendanges et MacDonald’s en Italie

Mon premier travail à l’étranger a été en Italie, près de Rimini. C’était en 2003 ou 2004 : deux mois de vendanges. J’étais payée 50 € la journée, nourrie-logée. Je l’ai trouvé par quelqu’un de notre rue qui s’était établi en Italie. Je voulais y rester, car l’Italie est un pays très beau. Mais c’était difficile d’y rester seulement avec un travail saisonnier.


En Italie, j’ai travaillé aussi à Mac Donald’s et dans une ferme d’élevage de poules. Mais au retour, j’ai eu une opération très difficile. L’argent que j’avais gagné, que je comptais garder pour retourner en Italie avec mes enfants, j’ai dû le dépenser en frais médicaux.

L’arrivée en France : la rue, le 115, la débrouille

J’ai parlé avec ma sœur qui était en France et elle m’a dit qu’on pouvait s’en sortir ici en faisant les marchés. Mais quand je suis arrivée, j’ai vu combien c’était difficile…


Je suis restée deux jours chez ma sœur, mais elle m’a dit qu’elle ne pouvait pas me garder chez elle, car c’était interdit d’amener du monde là où elle habitait, dans un hébergement d’urgence. On s’est un peu disputées et je suis partie. J’ai dormi une semaine dehors avec Petru à la Gare du Nord, devant une église. On appelait jour et nuit le 115. Ce n’est qu’au bout d’une semaine qu’on a réussi enfin à les avoir.


Le plus difficile au début avec le 115, c’est qu’ils nous déplaçaient sans cesse d’un hôtel à l’autre. C’était très dur au début avec les enfants à cause de tout ça. J’ai pensé plusieurs fois à rentrer en Roumanie. Mais qu’est-ce que j’aurais fait si j’étais rentrée en Roumanie?


Souvent, Somna rêve des montagnes d’Italie. Et d’un peu de répit dans son combat quotidien. (Photo Stéphane Etienne)


Tentative d’entrepreneuriat

J’ai créé une société pour pouvoir travailler. C’est des amis qui m’ont appris comment faire et où aller, à la Chambre de Commerce de Bobigny. Je suis allée dans les dépôts en gros chinois, j’ai acheté de la marchandise, j’ai pris une assurance et ensuite je suis allée sur les marchés : trois ou quatre fois par semaine. Mais comme Petru avait des crises, les gens avaient peur et partaient. Ça me fait de la peine d’expliquer à chaque fois qu’il n’est pas dangereux, que c’est juste une humeur du moment. Souvent, je ne dis plus rien.

La difficulté à trouver des solutions d’accueil adapté pour Petru

Parfois je me demande qu’est-ce que deviendrait Petru si moi je tombe malade et je ne peux plus m’occuper de lui. Ça m’affecte beaucoup, car depuis que je fais des démarches pour trouver une solution pour Petru, un centre, toutes les portes semblent fermées. Je n’arrête pas de chercher des solutions, mais rien. Je me bats pour rien. Ils me demandent à chaque fois des documents. Ils ne m’ont jamais bien informée. La dernière raison du refus c’était que je n’avais pas de contrat de travail. Mais avec qui laisser Petru pour aller travailler?


Sincèrement, j’aurais besoin d’un travail, d’amis, de communiquer, de me sentir plus tranquille. Car je suis toujours avec les problèmes de Petru. J’aimerais travailler dans une boulangerie ou comme couturière. Je ne cherche pas forcément un travail facile.


Rêves et souvenirs

Mon plus beau souvenir d’ici c’est quand je suis allée en cours de français. C’est là que je me suis sentie bien. Il y avait des Roumains, des Tchétchènes et ça me semblait amusant qu’on soit tous là, en train d’apprendre ce que Madame la professeure nous enseignait. J’aimerais aussi avoir plus de temps pour moi, pour me détendre, aller au cinéma. Voir les choses autrement, penser autrement. Ça me plairait beaucoup d’aller à la mer, mais plus qu’autre chose d’aller à Jérusalem, par là où est allé Jésus. Et l’Italie : pour moi c’est le plus beau pays du monde, avec ses montagnes, les champs… Ici à Paris, je n’ai même pas réussi à aller voir la Tour Eiffel ! Ça me plairait tant… (Extrait du livre « Le Soleil se lève-t-il à l’Ouest ? Portraits de migrants de Roumanie et Moldavie » édité par Habitat-Cité)

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