19 Mai [ACTUS]Habitat-Cité et le contexte international : la guerre en Ukraine
ACTUALITÉS - Mai 2022
Habitat-Cité et le contexte international : la guerre en Ukraine
Le 24 février dernier, la Russie a envahi l’Ukraine au motif qu’elle voulait défendre les populations russophones et « dénazifier » le gouvernement ukrainien. Depuis sa création en 2003, Habitat-Cité accueille des exilés des pays de l’ex URSS, notamment des Tchétchènes et des Géorgiens. Nous avons traduit et diffusé des rapports d’ONG russes, comme Mémorial, aujourd’hui interdite par le gouvernement de Vladimir Poutine. Nous avons également organisé des conférences avec des défenseurs des droits humains russes et tchétchènes. La guerre en Ukraine est une nouvelle étape de la politique impérialiste et criminelle du gouvernement russe et de restrictions des libertés en Russie. Nous en sommes les témoins indirects à travers les témoignages dramatiques des personnes que nous côtoyons au quotidien depuis 20 ans.
Dans le même temps, nous nous inquiétons vivement des nombreux cas de non-respect du droit d’asile en France, particulièrement envers des ressortissants tchétchènes.
Garantir le respect du droit d’asile
Les Tchétchènes et les Géorgiens que nous accompagnons pour l’accès aux droits nous racontent que la guerre en Ukraine ravive les souvenirs de la guerre d’Abkhazie en 1992-1993, les guerres de Tchétchénie en 1994-1996 et en 1999-2000 et la guerre d’Ossétie du sud en Géorgie en 2008, allant jusqu’à faire resurgir des cauchemars et traumatismes. Ils estiment que la communauté internationale, notamment l’Union européenne ne les a pas, ou si peu, soutenus lors de ces guerres et n’a pas su voir le danger que représente depuis de nombreuses années le gouvernement russe au sommet duquel se maintient le même homme depuis une vingtaine d’années.
Alors qu’en France les statuts de réfugié sont depuis plusieurs années octroyés au compte-goutte aux ressortissants tchétchènes, il serait temps de reconsidérer la menace que le gouvernement russe fait peser sur l’ensemble de ses citoyens, en République de Tchétchénie et ailleurs sur le territoire. Les dossiers d’asile de ressortissants russes devraient être traités à la lumière de ces faits et du durcissement du régime de Poutine.
De même, depuis l’automne 2020, la France a décidé de retirer le statut de réfugié à un certain nombre de Tchétchènes sous le prétexte d’une infraction de droit commun ou d’une affiliation supposée à des mouvements terroristes. Dans ce cas, cette affirmation n’a même plus besoin d’être étayée devant le tribunal, les différentes instances (préfectures, OFPRA, CNDA, tribunal administratif, cour administrative d’appel, et même parfois le Conseil d’Etat et la Cour Européenne des Droits de l’Homme CEDH) peuvent prendre des décisions à partir de seules « notes blanches » issues des services de renseignement. Selon un accord passé entre le Ministre de l’Intérieur Gérard Darmanin et le gouvernement russe fin 2020, accord qui n’a pas été rendu public, ces hommes tchétchènes ont été renvoyés de force en Russie selon une procédure d’urgence, et cela malgré l’avis contraire de la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH). Ces hommes ont ensuite soit été « jugés » en Tchétchénie avec de lourdes peines, soit ont totalement disparu sans plus donner de nouvelles à leur famille. Nous espérons que dans ce contexte où la perception de la Russie a changé en Europe, ces renvois, contraires au droit d’asile, vont cesser.
Pour un accueil digne des réfugiés de tous les pays
Habitat-Cité a constaté que la réponse à l’accueil des réfugiés d’Ukraine a été rapide et que des procédures simplifiées ont été mises en place. Cette expérience montre que lorsqu’une volonté politique existe, il est possible d’accueillir décemment les exilés. Nous espérons que cette expérience mettra fin à une politique migratoire qui multiplie les complexités administratives sur le parcours des demandeurs d’asile qui ne viennent pas d’Ukraine. Ce double standard ne peut qu’accentuer le sentiment de mépris ressenti par un nombre important d’exilés de la part des pays européens, sentiment qui ne peut que rendre plus ardu leur intégration.
En parlant de double standard, Habitat-Cité est indignée de voir que des personnes non ukrainiennes mais résidant en Ukraine sont refoulées aux frontières et qu’elles ne peuvent bénéficier de la même protection en Europe que les ressortissants ukrainiens. Les bombes tombent partout sans discrimination de statuts. Cette distinction dans l’octroi de droits au séjour a pour risque de renforcer les vulnérabilités existantes. Les oubliés du conflit sont nombreux et ils ont parfois des besoins spécifiques : étudiants étrangers, ressortissants des pays d’Asie centrale et du Caucase résidant en Ukraine, Roms ukrainiens, objecteurs de conscience.
Enfin, Habitat-Cité souhaite rappeler que de nombreux Russes ne soutiennent pas leur gouvernement dans cette guerre en Ukraine. Certains sont même très actifs pour protester malgré les risques auxquels ils s’exposent. Nous accompagnons des ressortissants russes qui se sont vus récemment refuser l’accès à des droits en raison de leur nationalité, notamment la fermeture de leur compte bancaire par une décision unilatérale de la banque. Nous sommes inquiets d’une montée de sentiments anti-russes qui seraient contraires à l’instauration de la paix un jour prochain en Ukraine et en Russie, tout comme au respect des droits humains en France.