13 Mar [TÉMOIGNAGE] Mamouka : « On n’avait plus d’argent, on a dû quitter notre appartement pour aller au squat »
TÉMOIGNAGE
Mamouka : "On avait plus d’argent, on a dû quitter notre appartement pour aller au squat"
Secteur - Ile de FranceThématique - Habitat, Accès aux droits
Mamouka est aujourd’hui bénévole d’Habitat-Cité. Il participe à l’accueil des centaines de personnes que nous accompagnons pour l’accès à leurs droits fondamentaux. Il connait particulièrement bien les difficultés d’accès à un hébergement, il est l’un des 25 habitants d’un squat – un ancien atelier abandonné – auxquels Habitat-Cité vient en aide. Nous vous proposons son témoignage.
« On voulait faire un petit restaurant.»
Mamouka est géorgien et vit en France avec sa femme, Mme Kh., depuis 2002. Ils sont arrivés avec l’intention de s’installer durablement. « On voulait faire un petit restaurant. Au début, on avait de l’argent. On louait un appartement, très beau et agréable, dans le 15e arrondissement de Paris. »
Mais leur visa arrive à expiration, sans qu’ils ne réalisent que les difficultés vont alors s’accumuler. « On ne connaissait pas ces histoires de papiers, on ne s’en est pas occupé. Après, ça a été compliqué. On a pris rendez-vous à la préfecture ; notre dossier a été refusé. En tout, nous avons fait 6 ou 8 demandes à la préfecture. J’avais beaucoup de stress à cause de ça. Après chaque rendez-vous, je me sentais mal pendant 3 jours. »
Au bout de quelques années, l’argent économisé a fondu et il ne leur est plus possible de louer un appartement. « Alors nous sommes arrivés dans cet immeuble [un atelier désaffecté] en 2011. L’entreprise avait fermé, c’est pour ça qu’on pouvait y vivre. Une fois, le propriétaire est même venu nous voir, il a dit qu’on ne gênait pas, qu’on pouvait rester.» L’entreprise étant en liquidation, de fait les premiers habitants du squat sont tranquilles.
« Petit à petit, des gens qu’on connaissait et qui vivaient dans d’autres squats aux Lilas ou au Pré Saint-Gervais sont venus vivre ici. Leurs squats avaient été expulsés. » Alors que Mamouka et sa femme sont logés dans une petite maison attenante à l’atelier désaffecté, les autres habitants logent dans la partie administrative du bâtiment.
« Parfois, j’accompagne des personnes pour traduire »
Durant cette période sombre et décourageante, Mamouka et sa femme ne restent pas inactifs. La femme de Mamouka travaille comme femme de ménage et garde d’enfant à domicile pour des personnes de leur communauté. « C’est un travail au noir parce que nous n’avons pas de papiers. Mais les employeurs sont très gentils, ils payent bien et ils sont d’accord pour lui donner un contrat de travail quand elle aura les papiers. Ils nous ont beaucoup aidés. »
Mamouka est quant à lui bénévole. « J’ai été bénévole à l’association Gaïa à Paris de 2011 à 2015. C’est une association qui s’occupait des migrants qui ont des problèmes avec l’alcool et la drogue. Je faisais la traduction en russe et en géorgien. » Depuis 2019, Mamouka est désormais bénévole pour Habitat-Cité à la permanence d’accès aux droits qui a lieu chaque mercredi à Pantin. Il aide à traduire pour les Géorgiens qui ne parlent ni russe, ni anglais, ni français. « Parfois, j’accompagne des personnes à la préfecture pour traduire. »
Mamouka se souvient aussi qu’il a été membre du Conseil Pantinois pour la Citoyenneté des Etrangers (CPCE) entre 2015 et 2016. « C’est la Mairie de Pantin qui a créé ce conseil. Je venais aux réunions, c’était très intéressant même si je ne comprenais pas tout. Après, ça s’est arrêté. »
Après 18 ans en France, enfin des papiers ?
Depuis 2016, Mamouka et Mme Kh. se sont remotivés pour entamer les démarches de demande de titre de séjour. Avec l’aide d’une avocate, ils ont monté leur dossier avec tous les justificatifs nécessaires. « Nous sommes allés à la préfecture en juin 2019. J’ai eu un récépissé de 6 mois. Ma femme n’a pas pu obtenir de récépissé car nous avons perdu son acte de naissance. Depuis, nous n’arrivons pas à prendre rendez-vous pour elle sur internet. Il n’y a jamais de places*. »
Aujourd’hui, 9 mois après le précédent rendez-vous en préfecture, Mamouka est encore en attente de son titre de séjour. « Après le récépissé de 6 mois, j’ai eu un autre récépissé de 3 mois. Et là, je viens d’aller de nouveau à la préfecture ; j’ai eu encore un récépissé de 3 mois mais ils m’ont dit que ce serait le dernier. La prochaine fois, je vais enfin avoir la carte de séjour. »
Mamouka songe à ce qu’il pourrait faire lorsqu’il aura son titre de séjour. « Je veux chercher du travail. Quand on est arrivés en France, on était jeunes, on avait l’énergie. On voulait faire un petit restaurant. Mais maintenant, c’est trop tard pour les grands projets… On a plus la même force. »
Refaire des projets
Pour trouver du travail, la maîtrise du français est un atout, voire un impératif. « J’ai pris des cours par-ci par-là. Mais maintenant, je fais la formation intensive de français. C’est 4 heures par jour et 4 jours dans la semaine. La professeure est très bien et je progresse. Je vais bientôt passer le diplôme de français A2. »
Sur le mur de la petite maison qu’ils habitent, drapeaux français et géorgien s’entrecroisent. « Il y a beaucoup de choses que nous aimons en France, comme la brocante. En Géorgie, ça n’existe pas. La brocante c’est vraiment super ! Ces chaises par exemple, nous les avons trouvées dans la rue. Une femme en a pris une et nous nous avons ramené les trois autres. » Antiquaire, brocanteur ? Voilà des métiers qui lui conviendraient bien !
[1] Les places de rendez-vous en préfecture se prennent désormais via une plateforme sur internet. Cependant, les usagers comme les associations ont constaté qu’il est quasiment impossible d’avoir un rendez-vous, les créneaux étant toujours occupés, même lorsqu’on se connecte à une heure tardive.